A contrario de cette façon de voir les choses, on pourrait dès lors rétorquer qu'il ne s'agit pas exclusivement de contactions, telle une tentative de calcification (voir une recherche de minéralisation énergétique), mais bel et bien d'un travail de voyage dans la posture, au travers des énergies qui y circulent et des interactions que l'esprit peut véhiculer aux énergies et aux parties sollicitées ou à celles trop peu sollicitées.
Je prendrais pour exemple la pratique de "l'arbre" en Taï Chi Chuan, où l'on est bel et bien un arbre, et pas un rocher comme certains débutant peuvent le penser, et que donc l'arbre se meut, non au gré du vent, mais bel et bien de sa sève et des énergies véhiculées.
A cela on peut rajouter le travail de respiration du Yoga, qui certainement tend à augmenter la circulation des fluides corporels et des énergies, mais aussi à faire prendre conscience que la posture est aussi globale et profonde, tout du moins plus que les zones les plus sollicitées (la posture ici aussi respire, une contraction d'un agoniste pouvant par exemple à certains moments permettre un étirement de l'antagoniste).

Il y aurait sans doute beaucoup plus à dire à ce sujet et il est évident que j'enfonce des portes déjà ouvertes mais peut être pas si intégrées que cela au savoir général enseigné dans les pratiques de renforcement musculaire ou de stretching. Je pense que les pratiquants de ces disciplines spécifiques viennent souvent consommer du "fast-efficient", du mécanique efficace (et ludique…) plus que du conscient introspectif ou holistique et que cela à contribué à créer les critères de savoirs que l'on trouve le plus généralement dans la littérature spécialisée.

S'il me paraît donc évident de continuer la recherche concernant les apports des confrontations et échanges des pratique "gymniques" d'Orient et d'Occident, il me paraît encore plus évident de poursuivre dans cette voie en confrontant et en échangeant toutes ces pratiques gymniques à celles que l'on trouve dans les arts martiaux, des échauffements aux étirements, en passant par la relaxation, la méditation et certains exercices de coordination, d'équilibre, de vitesse ou autre, aux frontières de la partie intégralement martiale des disciplines.

Le Taï Chi Chuan me semble être le plus représentatif de cette démarche et le plus riche en possibles apports (bien que l'on puisse trouver dans les différents styles de Taï Chi Chuan un Chi Kong spécifique (partie clef de la discipline) et dans les arts martiaux indiens des pratiques yogiques adaptées en considération des besoins), le tao lui-même peut-être pratiqué de façon "énergétique", bien qu'étant peut-être plus de racine martiale.

La même problématique se poursuit donc lorsque l'on se penche sur le savoir occidental relatif au stretching et aux étirements.

Le Taï Chi Chuan et le Yoga tendent à faire conscientiser le pouvoir du mental sur le corps, et plus spécifiquement le pouvoir de la confiance sur le travail d'étirement; travail qui s'opère par la recherche d'une communication interne de l'esprit vers la partie du corps étirée cherchant à transformer le réflexe inné de contraction en vue de protéger le corps lors d'un mouvement "critique" en une acceptation plus grande du travail d'étirement par le corps.

Bien qu'étant certainement un travail d'autosuggestion à la base, il en résulte un effet réel sur les parties du corps alors sollicitées, ainsi qu'un autre rapport au corps et une autre approche de la souffrance liée à ces exercices.

De plus, il est souvent dit dans les manuels occidentaux, qu'un étirement rapide ne sert à rien…Mais pourquoi ne pas imaginer, considérant, comme dans les deux disciplines sitées, où la communication s'opère du corps vers l'esprit, lui suggérant tout autant de choses que ce que l'esprit peut lui suggérer (psychosomatique et "soma psychotique"), pourquoi ne pas imaginer donc, de se servir de tous les possibles, y compris l'étirement rapide, pour que le corps suggère à l'esprit que sa souffrance, s'il l'accueille de façon adéquate, sera plus une communication avec lui-même qu'un démon intérieur qui veut le titiller.
Je m'explique par un exemple précis, lors d'un simple exercice d'étirement, assis au sol, une jambe repliée derrière la fesse et l'autre en étirement à 90° les orteils vers le ciel, pourquoi ne pas prendre le temps de descendre le ventre face à la cuisse, bras cherchant à enlacer le pied, de façon rapide, sans forcer, et en passant après chaque étire alternativement sur chaque jambe, de façon à préparer l'esprit à accueillir un véritable étirement lorsque le pratiquant se sentira assez dynamisé pour cela, comme appelé par le mouvement (un peu à la façon du travail d'étirement où l'on écoute son corps en étirant un peu, en remontant juste un peu, en étirant un peu plus, en remontant encore juste un peu et ainsi de suite; pratique yogique déjà intégré au stretching occidental actuel)…

De plus le passage jambe gauche, jambe droite sollicite les articulations, permet d'échauffer avant d'étirer et de passer à un autre travail (ici assis entre les jambes pliées par exemple), avec cette même dynamique.

Le plus intéressant dans le Yoga me semble aussi être l'auto apprentissage par la posture elle-même (répétition, approfondissements…) et encore plus dans le Taï Chi Chuan où l'on apprend à ce que le mouvement nous apprenne le mouvement (répétition, ralentissement, écoute, applications martiales…).

Comment intégrer tout ceci au savoir général occidental, comment l'utiliser lors des cours de "gymnastique", de belles voies en exploration (tout cela sans parler des apports que la chronobiologie, les kinésithérapies (chaînes ostéo-musculaire), les ostéopathies, le shiatsu, les massages, peuvent apporter en terme de postures et enchaînements adaptés et spécifiques, de travail à deux (relationnel ou corporel) de savoir approfondi sur le corps et soi-même en vue d'une meilleur autogestion de sa propre santé, de sa propre guérison ou de son propre épanouissement.

Si je souhaites travailler tout d'abord avec les enfants et les personnes âgées c'est aussi pour pouvoir mettre à l'épreuve mes recherches au travers de la spontanéité, de l'intuition innée, de l'expérience et du vécu sanitaire, permettant d'identifier les besoins spécifiques, de les affiner et de comprendre comment y pallier ou les prévenir au mieux.

S'il est vrai qu'il existe un savoir de cet ordre beaucoup plus approfondi en orient et pratiqué dès le plus jeune âge chez certains en vue de préserver leurs capacités spécifiques à long terme, comment appréhender les chose dans une civilisation comme la notre, où la plupart des personnes entament un travail personnel à un âge généralement avancé, voir après avoir été maltraités dans les rouages de l'exploitation compétitive; comment continuer d'adapter les pratiques ancestrales à un plus large public et permettre aux personnes de s'initier à un art de faire mais aussi de pouvoir permettre aux personnes dans le besoin de se nourrir comme bon leur semble et en toute intégrité corporelle de tous ces trésors humains.

Je remercie Jean-Jacques Galinier d'avoir commencé ce travail et de m'en avoir donné le goût, au travers de sa réflexion sur le Taï Chi Chuan et de son choix d'un Chi Kong doux (Tao Yin Chi Kong) permettant aux plus abîmés de se réapprendre et au travers de la douceur, de pouvoir se retrouver, se découvrir.


Écrit par David Boudaille, enseignant en Taiji Quan.


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